The Story of my Life
citation ou sous titresCher Journal,
Je t'avoue que je n'ai pas l'habitude d'écrire dans un journal intime, non pas que je trouve cela déshonorant, mais c'est simplement que je ne me confie pas facilement, pas même à une feuille de papier, après tout, je ne sais pas qui pourrait tomber dessus et la lire. Pour être honnête, je ne sais pas ce qui me pousse à prendre la plume aujourd'hui, je pense que c'est juste le fait de savoir quel effet cela fait. Bien, comme il est d'usage, je vais me présenter. Je t'avertis que tout ce que je vais écrire n'est que la stricte vérité. Je préfère prévenir parce que certaines choses paraîtront inouïe, ne serait-ce que le début, mon "époque" de naissance.
Ainsi, je me nommes Adam Beauvoisin et je suis né à Lille au milieu du dix-neuvième siècle, je sais, je ne fais pas mon âge. Je suis un vampire, ceci expliquant certainement cela. Quoi qu'il en soit, ne brulons pas les étapes. Ainsi donc, j'ai vu le jour en France, dans une famille de mineurs. C'était le métier en vogue à l'époque, surtout pour les gens du Nord. C'était un métier très éprouvant, mais nous ne connaissions que cela alors nous ne nous plaignions jamais. J'avais un frère aîné, Eugène, il n'avait que trois ans de plus que moi. Mes parents étaient de fervents catholiques. De mon enfance, je n'ai plus beaucoup de souvenir, c'est une période que j'ai rapidement oublié, sans compter que j'ai commencé à travailler assez jeune, j'avais sept ans lorsque j'ai commencé à descendre dans les mines. A l'époque c'était tout ce qu'il y a de plus normal. Les seuls souvenirs que je garde de cette époque, c'est la toux de mon grand-père, une toux grasse, remplie de poussière. Il a laissé sa vie dans les mines, c'était d'ailleurs le destin de tout ceux qui y étaient. Fervents catholique, mes parents allaient à l'église le dimanche et nous y avions droit mon frère et moi, puis le reste de la semaine nous le passions à la mine. Le soir nous nous retrouvions à la maison pour souper. C'était là l'emploi du temps classique de la famille Beauvoisin pendant des années.
Lorsque j'eus dix-huit ans, mon frère parti de la maison. Il en avait assez de cette existence dans laquelle il ne voyait aucun avenir, il était un aventurier, il avait besoin de voir du pays. Moi je me suis toujours contenté de ce que j'avais, même si la mine avait affaibli mon corps, c'était ce qu'on attendait de moi, on attendait que je fasse carrière dans le charbon et c'était ce à quoi je me destinais. Voilà pourquoi je n'ai pas compris quand Eugène est parti. Notre séparation fut assez vive, je revoir encore ma mère pleurer dans la cuisine et mon père presque renier mon frère. Il avait vingt-et-un ans, il était adulte et pouvait donc faire ce qu'il voulait. Ce jour-là, je ne savais pas qu'il allait s'écouler quelques années avant que je le revois. Oui, la dernière fois que je l'ai revu, c'était sur son lit de mort, mais j'y reviendrais.
Ainsi, mon frère parti, j'étais le seul en qui mon père fondait tous ses espoirs. Je faisais de mon mieux pour ne pas le décevoir. Je ne lui ai donc jamais dit que j'étais attiré par les hommes, ce n'était pas vraiment une époque idéale pour avouer son homosexualité, et puis mes parents avaient déjà été déçu une fois, alors inutile que j'en rajoute une couche. Ainsi jusqu'à l'âge de vingt ans, je suis demeuré aussi pure que l'agneau qui vient de naître. Cette existence aurait pu continuer ainsi jusqu'à mon trépas, seulement voilà, un coup de grisou changea mon avenir.
Ce jour-là, mon père ne travaillait pas, de ma famille il n'y avait plus que moi qui travaillais dans la mine, mes parents étaient devenus trop âgés et trop usés pour cela et mon grand-père était mort depuis longtemps. Je suis donc descendu pour ma journée de travail et en milieu de matinée, il y eut une explosion dans la mine. On y voyait plus rien, les éboulements nous tombaient dessus sans qu'on ne puisse rien faire. Je m'étais résigné, j'allais mourir ici. Fin relativement cruelle si vous voulez mon avis. Seulement, alors que j'avais perdu espoir, un miracle se produisit. Les pierres au-dessus de moi bougèrent et dévoilèrent un homme que je n'avais jamais vu de ma vie. Il faisait très noir dans la mine, pourtant cet homme face à moi semblait irradier d'une lumière que j'étais seul à pouvoir voir. Sans doute était-ce parce que je commençais à perdre la tête, oui, c'est très possible. Quoi qu'il en soit, il me sortit de ma prison de roches et m'emmena à l'air libre. Je ne peux pas dire qu'il me fit voir la lumière du jour puisqu'il faisait nuit, mais il m'a sauvé. A l'époque je n'avais jamais entendu parler des vampires, enfin si, dans les livres, les légendes, mais rien de plus. Je n'imaginais pas un seul instant que ces créatures puissent exister et pourtant...pourtant je venais d'être sauvé par l'une d'elle.
Quand je dis qu'il m'a sauvé, je n'exagère pas. Si ce type n'avait été qu'un simple humain, il m'aurait peut-être sorti des décombres, mais j'étais condamné, j'avais inhalé trop de poussière de charbon pour que je puisse survivre très longtemps, mais Irial était un vampire. Oui, c'est ainsi qu'il s'appelle Irial Gancanagh. Voyant que s'il ne faisait rien j'étais condamné, il me transforma en vampire. Je ne sais pas pourquoi il a fait une telle chose puisque nous ne nous connaissions même pas et puis je n'étais pas vraiment en position pour dire ou faire quoi que ce soit, mais en faisant cela, il a gagné ma loyauté, mon obéissance et ma dévotion à jamais. Vous ne pouvez savoir la force du lien qui lie un vampire à son Créateur, c'est quelque chose qu'on ne peut définir, c'est quelque chose qui doit se vivre de l'intérieur si l'on veut le comprendre. Ce n'est même pas de l'amour que je ressens pour Irial, non, cela va au-delà de ça. L'amour...le terme, ce qu'il représente, tout cela n'est pas encore assez fort pour décrire ce que je ressens envers lui.
Mon apprentissage de vampire commença donc et j'étais un élève très appliqué, très docile. J'écoutais attentivement les leçons de mon Sire, ne voulant nullement le décevoir. Il m'apprit tout ce que je devais savoir. Oh et tu seras content de savoir que j'ai également pu recevoir un enseignement des échanges charnels...si tu vois ce que je veux dire. Et bon sang, qu'est-ce que c'est bon. J'ai suivi Irial partout où il lui plaisait d'aller, dans n'importe quel pays. Ce qui est bien c'est que j'ai une grande faculté pour apprendre rapidement diverses langues, je parle le français, l'anglais, un peu d'allemand et trois mots d'Italien. A la fin de la Première Guerre Mondiale, je suis devenu médecin-légiste. Cela peut paraître un peu glauque, mais je ne trouve pas.
J'ai parlé de mon frère au début de mon histoire. Lorsque je l'ai revu, il avait soixante-quinze ans, il avait attrapé une maladie exotique. J'étais allé le voir. Il avait cru à une hallucination et je n'ai pas cherché à le démentir. Il m'a demandé pourquoi j'étais toujours aussi jeune, pourquoi j'étais toujours aussi beau. Je n'ai pas pu lui dire la vérité. Alors je lui ai dit que c'est parce que j'étais un esprit, je suis mort à l'âge de vingt ans et c'était pour cela que j'avais toujours ce visage. Cette explication sembla lui plaire et il s'en amusa en me disant qu'il aurait aimé avoir la même "chance" que moi, être beau pour mourir. Il a rendu son dernier souffle dans mes bras en me demandant pardon pour m'avoir abandonné quand j'étais ado.
Le chagrin qui s'empara de moi ne pu être apaisé que par Irial. Je me souviens qu'en rentrant de mon "entrevue" avec mon frère, j'avais été dans une ruelle et j'avais laissé exploser ma rage, naturellement, j'avais fait très attention de ne pas être vu par le commun des mortels, mais ma peine était si grande qu'il fallait que je la laisse sortir. Lorsque je senti les bras d'Irial autour de moi, ce fut comme si on me "débranchait" et je m'effondrais contre lui. Je crois que c'était la seule crise de larme que j'ai eu. Après cet épisode, je n'en ai plus versé une seule.
Irial est venu ici, sur l'île de Skye. Oh je sais ce qu'il recherche, il souhaite retrouver Valentina. Je ne l'ai jamais vu, mais il m'en a déjà parlé. J'ai suivi Irial ici bien sûr, je n'ai pas l'intention de le laisser tomber, jamais. Il m'a offert une autre vie alors que la première que j'avais eu était sur le point de se finir, je lui dois tout et puis...oui, je l'aime. Je ferais tout pour qu'il soit heureux, à condition naturellement que je conserve ma place auprès de lui.
A présent, je vais y aller, je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais qu'importe, je laisse les choses se faire et j'aviserai en fonction des événements.
Adam Beauvoisin.